Texte de Maria Calvet (1991)
(professeur d’histoire de l’art aux Beaux Arts de Madrid)
Katherine Théron est peintre à part entière. Et un bon peintre. Elle l’est par son sens de la couleur, pour la richesse de ses glacis et de ses textures, pour la vigueur de sa composition, pour la véhémence que l’on devine dans sa manière d’attaquer la toile.
Figurative mais dans une figuration qui se cache, qui parfois paraît s’évader sous les couches de couleur; mais non, ses figures sont bien là, fortes et vigoureuses sous cette apparente « défiguration ». Ce qui se passe c’est que la couleur envahit tout; elle occupe les fonds, remonte au travers des objets et des personnages, vibrante et puissante, fauve et en même temps nuancée. Cependant, en luttant avec elle, contre elle, les formes s’imposent, surtout les corps humains grands et solides, souvent avec une forte charge érotique.
Le résultat final est un compromis entre les deux: la couleur est à la fois vibrante et sensible. Rouges et bleus, turquoises et lilas en transparence qui enrichissent la couleur de base. Les figures sont puissantes, dans des toiles généralement de grand format, qui confirme ce grand tempérament pictural de Katherine.
Si j’avais à définir sa peinture, ce qui n’est absolument pas nécessaire, nous dirions qu’il s’agit d’un peintre expressionniste-fauve ou ce qui est pareil, fauve-expressionniste.
Texte de Fernando Bellon
(journaliste)
Dans toute création, l’énigme de l’art, de façon singulière, se compose: la réalité représentée au travers de la matière. La matière « plastique » dans le cas de la peinture.
C’est là un mystère révélé depuis la représentation préhistorique. Et comme mystère, indéchiffrable. Le meilleur des œuvres d’art c’est qu’elles ne peuvent pas s’expliquer, ni se comprendre, seulement se sentir.
L’art, manifestation sublime de l’humanité, est le moins rationnel, c’est-à-dire le plus inhumain, de notre espèce. Et ce paradoxe renferme le secret de l’homme.
Certains de mes meilleurs amis ont la passion ou le métier d’artiste.
Katherine Théron est une de ceux-ci. Je suis toujours étonné de rencontrer dans l’œuvre de ces amis des traits que ma relation quotidienne avec eux ne m’avait pas révélé. C’est en cela que s’accomplit le mystère de l’art. Dans les œuvres il y a plus, ou il y a autre chose que ce que l’homme ou la femme qui les compose laisse voir.
Dans les travaux de Katherine j’ai une fois de plus aussi découvert l’insoupçonné. Par exemple l’ordre, un ordre transparent, un ordre qui dans la réalité n’existe pas et qui, peut-être, n’est pas nécessaire à Katherine dans sa routine quotidienne, qui ne se différencie guère de la mienne ou de la vôtre, vous qui avez eu la bonne idée de visiter cette exposition.
Cependant, cette harmonie n’est pas recherchée, elle lui est sortie des mains comme par inadvertance, de façon spontanée, et elle s’est transformée en quelque chose de physique, de visible.
Je connais plus les natures mortes et les paysages de Katherine que son œuvre actuelle, qu’elle décrit comme des « figures de danses rituelles ». Mais il y a toujours un élément invariable: le goût, le plaisir qui se voit jusque dans les œuvres les plus sombres, je parle d’un plaisir sensible, non idéalisé, un plaisir séculaire et jovial. Comme Katherine est née en France, je me permettrai la pédanterie de nommer ce plaisir « rabelaisien ».
C’est une qualité si évidente que, à la propre peintre, cela lui échappe quand elle fait référence aux images qui lui viennent à l’esprit quand elle peint. Elle dit qu’elle utilise « des couleurs savoureuses comme des figues ouvertes tellement elles sont mûres ». Peut-il y avoir quelque chose de plus appétissant?
Et bien c’est comme cela qu’est la peinture de Katherine Théron, succulente, nutritive. Et elle y ajoute même de l’œuf, comme on en avait perdu l’habitude depuis les maîtres artisans de la Renaissance!
EXPOSITION de KATHERINE THERON (Cuenca 1991)
Traductions des textes du catalogue
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